Je l’avais tué.
Samedi 10 février 2007EDIT : À LIRE AVANT TOUT.
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J’avais promis de vous tenir au courant. Je tiens mes promesses.
Autant le dire, j’ai eu un peu de mal à dormir après tout ce que vous m’aviez dit, tant du côté qui me disait « Vas-y, cache-toi et attends de voir si ça tasse », que de celui qui clamait « Livre-toi à la police, ai pas peur bichon (c’est une p’tite biche), la loi est là pour toi ». Au final j’ai simplement écouté ma conscience, selon ce que j’avais lu sur les risques encourus. :/
Je n’ai pas fait de cauchemars, non. J’ai juste passé la nuit à réfléchir. À des tas de choses auxquelles j’avais même pas pensé une seule fois de ma vie. Ma vie en taule, ce genre de choses. Puis sans se mentir, si on y pense jamais, c’est simplement qu’on se dit tous que c’est comme le loto : ça arrive qu’aux autres.
J’y suis finalement allé. Devant les portes du commissariat. Ouais, mon cœur battait super fort, et le votre aussi l’aurait fait, croyez-moi. Je me suis approché de la femme derrière son comptoir, et j’ai parlé tout bas ; carrément terrifié de ce qu’elle allait répondre. Le pire c’est qu’avec le putain de bruit qu’il y avait, elle m’a demandé de répéter. Alors je l’ai fait, mes couilles entre les mains : « Je crois que j’ai tué quelqu’un, je voudrais voir quelqu’un de plus haut placé. ».
Sa réaction ne fut bizarrement pas à la hauteur de ce que j’espérais. Elle a un peu craché, « Euh, je, oui, euh, attendez » ; et elle a pris son téléphone en disant « Ne bougez surtout pas, j’appelle quelqu’un ».
En même temps maintenant que je suis venu jusque ici, je vais pas me barrer en courant, connasse.
Alors j’ai attendu. Et quelqu’un est venu me voir, m’emmener dans un petit bureau à cent lieues des salles d’interrogatoires des films. Très petit bureau même.
« Alors. Expliquez-moi tout dans le détail, je vous écoute »
Il ne me regardait même plus – remarque ça m’arrangeait – et restait collé derrière son gros écran, prêt à taper tout ce que j’allais dire.
J’ai un peu hésité à commencer, mais j’ai tenu à y mettre le plus de sentiment et ressentiment possible. J’ai même, je dois l’avouer, un peu atténué ma faute sur certains points non prouvables (oh, hein, vous l’auriez tous fait). Comme sur ce à quoi j’ai pensé, ce que je comptais faire en lui saisissant la main, ou autre. Le flic a pas semblé broncher, alors je suis allé jusqu’au bout.
Il m’a arrêté que sur un seul point, qui vous a aussi arrêté, c’était pour me demander si j’étais sûr que la personne était belle et bien morte. Honnêtement j’avoue avoir bafouillé une fraction de seconde. Mais les choses sont ce qu’elles sont, j’ai préféré dire franco « Oui, je suis presque sûr que je l’ai tué. ». C’est d’ailleurs terrible comme dire « Je l’ai tué » m’arrachait la gueule. C’était sorti tout seul, plutôt que « Je crois qu’il en est mort » ou « Je ne crois pas qu’il s’est sorti du coup que je lui ai asséné involontairement », ou je sais pas quoi.
Bon, en même temps, ça l’a pas choqué plus que ça le flic. On a juste continué à parler longuement et concrètement. De ce qui allait se passer après, de ce que je risquais, de ce qu’ils avaient en main. Tout ce genre de choses…
Quand on en eût fini, j’avais vraiment l’impression d’éprouver de la sympathie pour le flic en face de moi. Ce sentiment qui murmure « J’ai bien fait ».
On m’a passé des menottes gentiment et m’a conduit dans une cellule de garde-à-vue. Dans l’attente d’une confirmation de mon histoire, de ce que j’avais dit ; et surtout du fait que la personne soit morte. Je suis resté quoi, plus d’une dizaine d’heure à tourner en rond et à m’assoire et me lever du banc en bois. C’était bizarrement complètement différent de l’image que je m’en faisais dans mes nouvelles. Pas pire que les endroits que je dénichais pour me reposer et réfléchir longuement. Il faisait juste un peu froid.
Ce n’est qu’après tout ça que quelqu’un est venu m’ouvrir. On avait effectivement trouvé un corps au fond d’une rame de la ligne 4. Personne ne l’avait vu, personne ne l’avait signalé. Il était resté là jusqu’à tôt dans la matinée, lors de l’afflux des travailleurs. Mais comme les preuves étaient minces et qu’aucune caméra n’avait filmé, le dossier avait un peu (comprenez « beaucoup ») descendu dans la pile. Pour être franc, quand j’ai appris que je l’avais tué pour de vrai, j’ai eu soudainement un petit coup de chaud. Ça m’a même un peu rappelé les premiers rendez-vous amoureux. Merde quoi, je l’avais tué, pour de vrai. Moi : mec sans histoires. =|
La seule chose qui m’a été clairement expliquée ensuite, c’est que je suis pas un cas isolé et que des trucs comme ça c’est pas la première fois qu’ils en voient. La plupart du temps à des mecs qui avaient rien demandé. On m’a alors dit que malheureusement, ils y pouvaient pas grand-chose.
Paraît-il que mon cas sera aisé à plaider, et que quoi qu’il arrive quand bien même j’irais en prison ce serait de courte durée. Surtout compte tenu du fait que je suis venu de moi-même les voir. « Mais on garantit rien, ça dépend du juge et des jurés après, hein. En tout cas nous des gars comme toi on en voit plein et personnellement je sais ce que c’est ».
J’ai pas trop voulu savoir ce qu’il avait voulu dire.
Lui non plus ; à mon avis il avait dit ça par compassion. Et j’vais pas m’en plaindre non plus, remarquez.
Sur ce, bonne soirée à tous. o/
.
P.S. : C’était effectivement un ignoble fake.
Pardon à tous. /o\
Pour la peine vous m’avez tous bouffé de remords à vouloir m’aider; quand la machine fut lancée, j’ai plus trouvé moyen de l’arrêter. Moi je ne m’attendais pas à plus de trois ou quatre commentaires – je m’imaginais que vous oublierez tout ça la seconde d’après. Puis au final, certains auront gardé ça en mémoire plus longtemps que prévu. Eh, j’pouvais pas prévoir hein.
Ça n’empêche que ça m’a fait un brin réfléchir sur l’éventualité qu’un jour ça arrive, et j’espère que vous aussi. Pensez qu’avant d’en faire une note comme « J’ai tué. », c’était avant tout une peur profonde et une interrogation qui me trottait depuis déjà longtemps en tête, depuis « Un cri court dans la nuit » et « Vos dieux ont les mains sales », d’IAM. Comprendront ceux qui pourront. /o/
Allez, maintenant vous pouvez me taper et me brûler, les commentaires sont à nouveau verts.
Et j’emmerde toujours le Journal du Management. \o/